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Dans un contexte de transition énergétique, la construction en terre connaît une véritable renaissance en Europe. Présente sous différentes formes dans le bâti depuis des millénaires, c’est aussi

l’habitat du plus grand nombre de par le monde. 

Recherchée pour ses qualités environnementale et esthétiques, la construction en terre s’inscrit naturellement dans une logique circulaire.

En effet, construire en terre permet :

- de limiter l’énergie grise incorporée dans les bâtiments par le recours à une

matière abondante, locale et très peu transformée

- de garantir une construction saine pour ses usagers

- de ne pas exposer les travailleurs du bâtiments à des matériaux nocifs

- de limiter les déchets générés par le secteur du bâtiment

- de renforcer une filière constituée d’entreprises artisanales qui offrent à leur

territoire un service de proximité

- de créer de la valeur économique et sociale sur un territoire donné

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Au fil des millénaires, l’Homme a développé de par le monde une grande diversité des techniques constructives en terre, fruit de l’adaptation à un sol et à un climat.

 

La terre à bâtir, fraction la plus minérale du sol située sous la couche arable de terre organique, change de nature et de composition d’un lieu à un autre. De par cette variabilité, la terre échappe à bien des tentatives de standardisation et rend la normalisation complexe voire indésirable et contre-productive. 

 

Accepter cet état de fait et travailler avec un matériau vivant et changeant, c’est prendre le temps de le regarder de le sentir et de l’éprouver pour acquérir l’expérience nécessaire à sa transformation dans le bâti. C’est reconsidérer également la place de la sensibilité et de l’habileté humaine dans le travail.

Lors des formations et des chantiers, nous donnons une grande place à l’expression de ces connaissances, souvent empiriques et basées sur l’expérience et la sensorialité. C’est ainsi que se transmet entre nous l’essence du savoir-faire artisanal. 

 

La construction en terre, dont les premières traces connues remontent à l’Anatolie, 10000 ans avant notre ère, est aujourd’hui l’habitat du plus grand nombre. On estime qu’une personne sur trois vit dans un habitat constitué, tout ou partie, de terre. Ainsi, lorsque l’on bâti avec la terre, on fait appel à cette universalité du rapport un à élément que l’être humain connaît et a appris à travailler où qu’il soit et d’où qu’il vienne.

Chacun peut naturellement retrouver en mémoire des paysages connus où la terre est omniprésente, des gestes qu’il a vu faire ou lui-même pratiqué pour bâtir ou cultiver, des sensations qu’il a pu éprouver à modeler une argile, voir briller un fragment de mica dans le sable, effriter la roche entre ses doigts… 

Ce patrimoine immatériel que nous avons en partage nous relie entre bâtisseurs et permaculteurs dans nos recherches, nos organisations de travail, nos associations. La pluri-culturalité y est vécue comme une richesse. 

 

Les conflits, les guerres, les catastrophes climatiques interrompent parfois brutalement les liens de transmission entre générations et déracinent les individus, arasant sur leur passage tout un pan de savoir-faire reliés au terroir. Là où des techniques se sont essoufflées, d’autres continuent à les perpétuer. La réhabilitation et la transmission des savoirs par delà ces traumas est au coeur de nos chemins de résilience. 

 

Ainsi, la coopération à l’échelon régional, national ou international est un vecteur de paix que nous ne devons pas négliger. C’est à travers nos savoirs en commun et nos choix concertés que nous faisons société. Cela nous aide aussi à nous extraire de l’économie de marché pour entrer dans des logiques de coopération et nous rend moins vulnérables dans les crises que nous traversons.

A l’instar des mychorizes des champignons, la filière terre se déploie sous la forme d’un réseau associatif avec ses sensibilités régionales. Des rencontres ont lieu chaque année et rassemblent des professionnels du monde entier pour partager des connaissances, participer à un chantier tous ensemble, être en lien et découvrir la région qui nous accueille. 

 

Être artisan et travailler la terre implique une connaissance fine de son territoire et de ses ressources. C’est aussi accepter de faire soi-même ressource pour ses pairs : être reconnu pour sa compétence et s’inscrire dans un métier de proximité ou l’on est en permanence à l’écoute et au service des habitants et des lieux où nous intervenons. 

Peu à peu, en connaissant de mieux en mieux notre contexte et ceux qui nous entourent, nous pouvons réfléchir ensemble à la portée symbolique de parvenir à construire notre habitat et nos communs sans altérer notre environnement. 

 

Enfin c’est un métier physique, ou tout passe par le corps, et où l’on peut sentir son être ciselé par l’effort et la matière. C’est une sensation profonde d’être vivant, d’être nourri mais aussi de connaître l’usure, l’érosion et bien vouloir enfin, retourner à la terre. Cette conscience de l’effort et de la vie sur les chantiers donne envie de célébrer ce que l’on parvient à ériger ensemble, les ressources et la vitalité dont nous pouvons bénéficier. 

 

Dans notre société extractiviste, la terre se trouve polluée, déplacée, remuée, évacuée... Malgré cela elle reste un élément structurant de notre univers : matrice de ce que nous sommes, de ce que nous fabriquons, de ce que nous mangeons. Être quotidiennement au contact avec sa fertilité est source d’émerveillement et de réconfort. Ainsi, la terre agit comme un antidote face à la peur de manquer qui peut nous habiter inconsciemment.

Extraire la terre à la main et à l’outil, c’est se pencher dessus, rencontrer ses habitants et leur vie souterraine, réaliser qu’à chaque poignée déplacée c’est un biotope qui se modifie de par notre activité. Par transposition à une autre échelle, c’est devenir conscient de l’impact de la logique extractiviste qui ravage et stérilise durablement des régions entières.

Je ne prélève que ce dont j’ai besoin et je ne pollue pas le matériau. Ainsi, après avoir servi, il peut retourner dans son milieu et être transformé de nouveau.

Peu à peu avec l’expérience, on apprend à faire plus avec moins et on s'aperçoit que tout est déjà là, sous nos pieds et en nous. 

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